mercredi 8 février 2012

Victor Loupan : la liberté d’opinion


La publication sur le site de l’ACER de la traduction française d’un échange épistolaire entre le métropolite Hilarion de Volokolamsk et M. Nikita Struve, appelle une réflexion qui peut intéresser les orthodoxes russes ou de tradition russe. Surtout ceux qui sont liés de jure et/ou de cœur à l’Archevêché des églises orthodoxes russes d’Europe occidentale (Daru). C’est mon cas.

Pour replacer la chose dans son contexte, rappelons que Mgr Hilarion (grand intellectuel, figure éminente de l’Eglise et haut hiérarque du Patriarcat de Moscou) écrit à M. Struve pour démissionner de sa qualité de membre du Comité éditorial du Messager (Вестник РСХД), revue dont ce dernier est le responsable. Le métropolite rappelle le rôle considérable joué par cette publication dans le passé, pour regretter sa position actuelle, devenue depuis quelque temps, selon lui, hostile voire calomnieuse à l’égard de l’Eglise russe.



Nous n’allons pas ici gloser sur la qualité de la longue réponse de M. Nikita Struve au métropolite Hilarion. Je souhaiterais simplement m’arrêter à un paragraphe, dont voici la citation in extenso : « Voir sans preuve aucune le mensonge ou la calomnie dans des remarques critiques, écrit M. Struve, est une voie extrêmement dangereuse qui peut mener à la négation de la liberté d’opinion. La haute hiérarchie (sviachtchennonatchalie), notion peu orthodoxe, a besoin de critique : elle n’est pas infaillible et peut se tromper tout comme les simples mortels. »

Je suis heureux d’apprendre qu’un métropolite ou un archevêque peut se tromper, qu’il est sain de critiquer dans l’Eglise une politique que l’on trouve néfaste, et que cette critique peut même être nécessaire. J’ai tant de fois été accablé par M. Struve, son fils et ses amis (de l’ACER, de la Fraternité orthodoxe, etc.) pour mes critiques à l’égard de la direction de l’Archevêché, que cette soudaine et étonnante affirmation de bon sens me comble d’aise. En vérité, je n’ai jamais pensé que mes persécuteurs étaient fermés au point d’être insensibles à la nuance. J’ai toujours supposé qu’ils étaient capables d’admettre qu’une critique n’est pas nécessairement destinée à détruire. Le rejet violent de tous ceux qui osaient critiquer leur vision de l’Archevêché obéissait donc chez eux à une logique de combat. Logique étrange quand elle s’applique à des frères dans la foi.

Il serait intéressant de savoir si ces messieurs qui tiennent depuis près de dix ans les leviers de l’Archevêché entre leurs mains, sont contents du résultat ? Pensent-ils, par exemple, que leur gestion des affaires ait pacifié l’Archevêché, ses paroisses, l’Institut Saint-Serge ? Pensent-ils que l’affaire niçoise ait été menée par l’Archevêché de la meilleure des façons ? Considèrent-ils que l’autorité de notre archevêque, Mgr Gabriel de Comane, se soit affermie et affirmée ? Et, surtout, ont-ils tenu compte de la pluralité des opinions pour favoriser l’harmonie dans l’Archevêché, dans l’esprit de liberté que souligne si justement M. Nikita Struve ?

Ceux qui sont attachés à l’Archevêché, qui aiment son passé et croient à son avenir, devraient se mettre autour d’une table. Quelles que soient nos appréciations des perspectives juridictionnelles ou nos préférences, modernistes ou traditionalistes, nous devons conjuguer nos efforts pour que la paix revienne. Au lieu de nous déchirer comme maintenant, au lieu de nous lancer des accusations au visage, nous devrions nous unir dans la crainte de Dieu et l’amour du prochain.

V.L.
Le facsimilé de la lettre de Mgr Hilarion a paru dans le N° 198, 2011 du "Vestnik"
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"Parlons d'orthodoxie"
Une lettre de Monseigneur Hilarion, métropolite de Volokolamsk, à M. Nikita Alexéevitch Struve

Rédigé par Victor Loupan le 8 Février 2012