mercredi 23 juin 2010

A propos de la pétition lancée à Nice, propos de Séraphin Rehbinder

Chers amis, voici un article fort intéressant, publié par Séraphin Rehbinder, relatif à la pétition lancée sur internet, se prononçant en défaveur de la décision de justice française retournant la cathédrale Saint-Nicolas à la Russie. L'article peut également être lu en cliquant le lien suivant, donnant accès aux commentaires qu'il a suscités:


Séraphin Rehbinder

Une pétition a été lancée sur Internet contre le jugement attribuant à la Fédération de Russie la cathédrale russe de Nice. J’ai lu soigneusement les commentaires laissés par certains signataires de la pétition parce que je me suis demandé quelles pouvaient être les motivations profondes de ceux qui s’indignent autant des décisions de la justice française.

Le premier thème, qui revient le plus souvent, est une assimilation de l’Etat russe actuel au pouvoir soviétique communiste. «… lamentable de voir les soviétiques … vouloir s’approprier… », « .. à quand les chars devant la promenade des Anglais … », « arrêtons l’invasion sournoise et totalitaire des « faux post-communistes», « après toutes les victimes du communisme ils n’ont aucun droit d’agir… » etc

Autre particularité, il n’est en général fait aucune différence entre l’Etat russe et l’Eglise russe. En l’occurrence, c’est la Fédération de Russie qui veut faire valoir ses droits de propriété, mais on s’en prend à l’Eglise russe : « j’ai très honte pour l’Eglise à laquelle j’appartiens… » « je pense qu’il faudrait… lancer une pétition contre toutes les attaques du Patriarcat de Moscou… »

Un autre thème récurrent est celui de l’entretien de la cathédrale par les émigrés pendant 90 ans qui leur donnerait le droit de propriété sur cette cathédrale. « Durant 90 ans l’Association cultuelle orthodoxe de Nice (ACOR) a géré la cathédrale… » , « Que les générations disparues qui ont permis d’entretenir cette cathédrale, souvent au prix de sacrifices… », « la cathédrale appartient à ceux qui la font vivre… »

Mais certains Français voient les choses différemment : « ... la France, le département et la ville de Nice financent depuis un siècle une partie non négligeable des frais de fonctionnement de cet édifice… ». Quelques-uns en concluent que « notre cathédrale russe appartient à la France et fait partie du patrimoine niçois.. » Remarquons au passage que personne ne mentionne les visiteurs de la cathédrale (Français, Russes, Italiens et autres) qui, en payant leur billet d’entrée, comme dans un musée, ont permis à cette paroisse d’être la seule dans tout l’Archevêché à vivre sans problèmes financiers et rémunérer, à un niveau normal, plusieurs salariés qui assurent des tâches accomplies bénévolement dans d’autres paroisses.

On le voit, ces arguments, comme beaucoup d’autres, sont très passionnels.
Ils ne reposent pas sur des raisonnements rationnels mais sur des sentiments, des indignations, des émotions. Sauf rares exceptions, le fond du problème, et du raisonnement juridique formulé par le tribunal, ne sont pas du tout abordés. Ces attitudes passionnelles ont sans doute été favorisées par la stratégie développées par l’Acor (association cultuelle orthodoxe russe de Nice). Dans son intervention, faites au micro d’une radio locale après le prononcé du jugement, le recteur de la paroisse s’est efforcé, durant un quart d’heure, d’aviver le ressentiment contre l’attitude de la Russie jugée scandaleuse et indigne, sans mentionner une seule fois le fondement de la revendication, à savoir l’existence d’un bail emphytéotique qui avait confié à l’Eglise russe en 1909 la disposition de cet ensemble pour 99 ans.
Mais au-delà de ces circonstances conjoncturelles, il est intéressant de se demander d’où peut venir ce déni des changements liés à la chute du régime soviétique qui semble être au centre des réactions des signataires de la pétition. De même que l’attente du second et glorieux avènement du Christ, caractéristique des premiers chrétiens, a parfois été remplacée par la crainte « de la fin du monde », de même l’attente d’une libération de la Russie, propre aux réfugiés de la première heure, à été progressivement remplacée par « la crainte de la fin de l’émigration »
Si l’état de réfugié est particulièrement pénible au début avec ses difficultés d’adaptation et sa souffrance d’être éloigné de sa patrie, ces tourments s’estompent avec les années et surtout avec les générations. Dès lors, l’appartenance à l’émigration devient une « identité », peut-être même assez confortable, car elle permet l’intégration dans un groupe aux liens forts et spécifiques et elle donne une certaine liberté par rapport au pays d’accueil comme à celui d’origine.

La chute du pouvoir soviétique tend à détruire cette situation identitaire en obligeant de se restituer par rapport aux deux pays en choisissant l’un ou l’autre et donc d’abandonner cette position un peu « extérieure » aux deux. Et l’expérience montre que, les rigidités mentales aidant, ce n’est pas si facile à faire. De là vient sans doute cette tendance à nier les faits, à considérer, contre toute évidence, que la Russie actuelle est en tout point semblable à l’URSS de Staline. Cela permet de garder intactes les conditions de cette identité de « Russe blanc »
Cette attitude trouve du reste un puissant adjuvant dans les tendances « anti-russes » qui se manifestent en « Occident ». Certains pensent qu’il ne faut surtout pas laisser se reconstituer un ensemble fort, sur les ruines de l’Union soviétique. Cette opinion gouvernait jusqu’à présent la politique de l’Amérique (1), (mais peut-être cela va-t-il changer avec le nouveau président de ce pays ?). En Europe, les avis sont plus partagés. Mais il existe des opinions anti- russes que colportent souvent des médias (comme le « Nouvel Observateur ») ou des personnes (comme André Glucksmann) qui, paradoxalement, furent souvent à penchants marxistes (-léninistes-maoïstes) du temps des Soviets.
Ils tendent par exemple à attribuer à l’ « ours russe » tous les méfaits du communisme, oubliant par exemple que Staline, Béria, Chevarnadzé étaient géorgiens, Dzerjinsky, polonais, Khrouchtchev, ukrainien, Gromyko, biélorusse, etc. Mais cette assimilation du pouvoir soviétique à la Russie, particulièrement pernicieuse, sert actuellement à exciter les différents pays issus de l’Union Soviétique et les autres pays victimes du communisme contre la Russie, dont le peuple est pourtant, sans doute, celui qui a le plus souffert de ces aberrations marxistes et bolcheviques du 20iéme siècle

Quoiqu’il en soit, nos descendants d’émigrés, qui continuent à penser en termes de « soviétiques » vis-à-vis des russes actuels, trouvent un écho favorable auprès de ceux qui, en Occident, professent des idées russophobes, et cet accueil favorable les conforte probablement dans leur vision. Or assimiler les Russes actuels aux bolcheviques est particulièrement odieux car c’est assimiler, dans une large mesure, les victimes aux bourreaux.
On remarquera en outre que tous ces arguments sont essentiellement politiques et non ecclésiaux. Dans ce dernier domaine, l’attitude la plus courante des opposants aux conclusions du tribunal de Nice consiste à nier l’existence même d’une Eglise russe et de considérer que le Patriarcat de Moscou n’est que le rouage d’un système « soviéto-mafieux » contrôlé par le KGB, et j’exagère à peine. De toute façon, cela reste « l’ennemi ». Mais l’Eglise de Russie est l’Eglise des martyrs, et ces martyrs sont aussi les nôtres. Leur sang n’a pas encore séché. Et l’Eglise se relève, avec peine, de toutes les persécutions qu’elle a subies. Elle s’efforce courageusement d’apporter la lumière du Christ à un peuple russe complètement désorienté, mais qui semble bien écouter de nouveau la mission de l’Eglise. Chercher des noises à cette Eglise, dont nous sommes issus nous aussi, se sentir agressé par elle, est une façon bien singulière de se réjouir que toutes ces souffrances soient enfin terminées.

A la vérité, il est tout à fait possible de vivre son identité de « Russe blanc » et se réjouir que la Russie actuelle cherche à renouer avec son passé pré-révolutionnaire, qui est aussi le nôtre. Elle s’implique en effet à ce point, qu’elle souhaite assumer à nouveau les destinées de la cathédrale, malgré les frais importants que cela implique, y faire assurer des offices plus fréquents et renoncer à faire payer par les touristes l’entretien du lieu de culte des orthodoxes de la région.
Il est bien évident que la situation actuelle, pour compliquée qu’elle soit, est loin d’être insoluble si on l’abordait avec tant soit peu de respect des opinions d’autrui et d’esprit de compromis.

Séraphin Rehbinder
Juin 2010

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(1) Voir par exemple le discours secret du président Clinton devant les chefs d’état-major, du 25 octobre 1995, qui détaille les dizaines de milliards de dollars consacrés à cette tâche et déclare qu’il reste à fractionner la Russie en plusieurs petits états, par des guerres interrégionales, comme cela fut fait en ex-Yougoslavie.

jeudi 10 juin 2010

Un dialogue raisonnable

Souverain autocrate de l’Empire Russe, le tsar Nicolas II aurait pu, selon une tradition fortement établie dans les puissances autocrates (cf. la fameuse affirmation du Roi-Soleil : « L’Etat c’est Moi !») mélanger fortune privée et possessions impériales. Cela ne fut jamais le cas, et le Tsar a toujours comptabilisé, de façon consciencieuse et détaillée, sa fortune personnelle comme celle de sa famille, clairement distinguée des biens et possessions de l’Empire.

Il est un fait établi que, juste avant la première Guerre Mondiale, le Tsar possédait, en son nom propre comme au nom des siens, un certain nombre d’actifs à l’étranger. Il est tout aussi vrai et vérifié qu’une fois la guerre déclarée avec l’Allemagne, Nicolas II a immédiatement fait rapatrier ses avoirs en Russie, par esprit civique et pour supporter l’effort de guerre, et il a demandé à tous les Russes de faire de même.

A aucun moment, et cela a été confirmé à l’époque par les proches du Tsar comme plus récemment par les Princes Romanov, le tsar martyr n’a considéré que la cathédrale russe de Nice pouvait lui appartenir à titre personnel, de quelque façon que ce soit. Selon le principe de distinction des biens établi ci-dessus, la cathédrale était la propriété de l’Empire, et le bail emphytéotique accordé à l’église russe avait une durée limitée, à l’expiration de laquelle le bien devait donc tout naturellement retourner à son propriétaire légitime, la Russie.

Il convient de reconnaitre le travail accompli dans le cadre même de ce bail par l’association cultuelle locale, toutes ces dernières décennies. Remarquons cependant ici que l’existence dudit bail étant établie et non contestée par chacune des parties en cause, l’association cultuelle qui en a bénéficié ne peut arguer du fait que l’occupation des lieux sur une durée suffisante entraine automatiquement la possession du bien et son appropriation par usucaption. Il faut donc à l’évidence respecter ici le droit de propriété de l’Etat Russe sur le monument.

Pour ce qui est de l’activité cultuelle de ce lieu de prière (qui je le rappelle, appartient en tant que tel aux fidèles), ne revient-il pas au fond aux paroissiens de décider eux-mêmes s’ils souhaitent que leur église soit rattachée au Patriarcat de Moscou ou à celui de Constantinople ? A tous les paroissiens, et pas seulement aux quelques dizaines d’entre eux qui font confiance à l’association cultuelle en place ? Laquelle pourrait alors, pourquoi pas, continuer à jouer un rôle actif au sein de la communauté paroissiale. En pratiquant par exemple (selon des horaires établis) des offices qui rassembleraient ceux qui souhaitent rester dans l’église de Constantinople, - comme devrait certainement l’accepter le Patriarcat de Moscou s’il était choisi par la majorité des paroissiens pour assurer la relève en titre du culte.

Forte du jugement exécutoire de la justice française, la Russie aurait pu prendre officiellement possession de l’édifice par tous les moyens légaux disponibles, sans attendre. Cela n’a pas été le cas, et ne le sera visiblement pas à notre connaissance : Non seulement la Russie, qui a toujours appliqué dans cette affaire le principe de la séparation des pouvoirs étatiques et religieux, a laissé l’association cultuelle poursuivre son activité religieuse, mais elle lui a toujours tendu la main et continue à le faire.

Nous espérons tous que l’ACOR finira par accepter les bénéfices évidents d’un dialogue raisonnable, qui ne peut que bénéficier à l’ensemble de la paroisse. Je le souhaite pour ma part.

mardi 8 juin 2010

Chers amis,

Le 25 mai dernier, j'ai adressé la lettre suivante à l'ACOR de Nice:

Association Cultuelle Orthodoxe Russe 6 rue de Longchamps 06000 NICE

A l’attention de l’Archiprêtre Jean Gueit, Recteur.

Nice, le 25 mai 2010

Mon Père,

Comme vous le savez, la Princesse Leonida Gueorguievna de Russie vient de rendre son âme à Dieu à Madrid.

Il m’apparait qu’une panikhide concélébrée en présence d’un prêtre du Patriarcat de Moscou et d’un prêtre de l’Eglise Hors Frontières, serait une merveilleuse occasion pour notre cathédrale de rendre hommage à Celle qui fut la dernière représentante de la dynastie des Romanov à être née, avant la révolution, sur le territoire de l’Empire russe, à Tiflis, l’ancienne Tbilissi.

Je Vous remercie de bien vouloir m’exprimer votre position à ce sujet, et si vous êtes favorable à la tenue de cet office funèbre, de m’en communiquer la date. Le 3 juin semblerait approprié.

Veuillez croire, mon Père, à mes sentiments bien respectueux.

Pierre de Fermor Président AACOR-SNN

Cc SAS Prince Nicolas de Russie


Je n'ai pas reçu (à ce jour) de réponse, et j'en suis navré. Alors que les patriarches des églises de Constantinople et de Moscou se sont rencontrés, ne pouvons nous, ici à Nice, dans notre église, faire entendre notre voix, qui semble pourtant raisonnable ?

Méditons...

mardi 1 juin 2010

Bienvenue !

Chers amis,

Bienvenue dans notre blog, qui souhaite réunir tous ceux d’entre vous désireux d’exprimer votre soutien, mais aussi vos commentaires relatifs à la présence fermement ancrée dans le paysage niçois, de notre belle cathédrale Saint-Nicolas de Nice.

Pour nous tous, descendants d’émigrés russes, comme français de souche française, ayant un lien de sang, mais aussi simplement d’amitié, d’estime, ou d’honneur avec l’ancienne Russie impériale, l’ « église russe de Nice » (comme elle est le plus communément désignée) symbolise le renouveau de la Russie actuelle, qui a abandonné avec détermination le chemin sans issue de l’ère soviétique, pour prôner des valeurs qui assemblent les vertus d’un engagement démocratique et d’une orthodoxie retrouvée.

Confiants dans l’engagement de la Fédération de Russie à assurer la lourde charge que constitue l’entretien de la cathédrale, heureux qu’elle prône le juste retour à la gratuité des entrées, nous acceptons avec sérénité la décision de justice française, et sommes assurés que notre église demeurera la maison des fidèles qui viennent y prier, comme des visiteurs qui s’attardent à l’admirer.